Paris – France 2018

CARL NORAC

A quoi songe la pierre quand un homme s’y relève doucement ? Elle s’éveille parfois d’un raclement de branche, d’un bourdonnement de fleurs, de la persuasion d’une herbe folle. Elle connaît ce gel que l’on dit à pierre fendre, la grêle, la pluie, le crachin, mais plus une larme ne vient l’empourprer sur ce corps d’homme couché qu’elle incarne depuis trop longtemps. Néanmoins, la pierre songe, avec cette grande lenteur due à sa matière, qu’elle a perçu enfin de ce gisant une part d’humain, la plus paisible. Elle ne savait pas qu’il était possible de se poser, tel un oiseau, au bord de son sommeil, de confondre le seuil et l’ailleurs, de s’inscrire, malgré la roue du temps, au moins dans la pensée de l’éphémère. Si, mystérieusement, sans se fendre, le cou de l’homme a bougé, si la tête s’est penchée d’un côté, si la nuque esquisse un mouvement, presque les épaules aussi, si contre toute attente, l’homme semble bien s’apprêter à se relever, la pierre sait, à présent, qu’elle n’y est pas pour rien.

16 juillet 2020, Carl Norac
poète

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