Des châteaux en Espagne
L’architecture pour quelque chose ne commence-t-elle pas avec des songes d’enfants? Une architecture rêvée. Une architecture imaginaire, qui prend la forme de châteaux éphémères qui disparaissent avec leur princesse enfermée, dans la perte de leur combat face aux éléments?
Par ses images d’une apparente simplicité, Malik Choukrane joue lui aussi, en repérant et collectionnant ces constructions hautement personnelles non pré-fabiquées. Un peu à la manière d’un Becher en vacances. Il photographie ces châteaux dans le même axe et à la même distance de prise de vue mais l’absence de rapport d’échelle et de ligne d’horizon, la présence du contexte (la mer visible, suggérée, entr’aperçue ou absente), la lumière (vive, dure, douce), la granulométrie du sable et des coquillages, nous emportent dans des mondes qui s’étendent de Deauville au pays Dogon, ou de Chambord à la Kasbah Amridil.
Un moment relatif, figé par M.C., l’arpenteur des plages, complice du ressac.
Il produit une photographie instantanée dont le choix du moment acte de la vivacité sculpturale des éléments naturels, avant et après l’homme, dans une durée indéfinie de ruine ou de construction, où l’on ne sait plus si la mer aide à construire ou à détruire.
Une photographie pour quelque chose, qui témoigne de la modification du paysage par l’empreinte de l’homme sur la nature et de l’appropriation de l’espace par le jeu, dans laquelle on imagine la naissance d’une Spiral Jetty miniature ou l’effacement progressif d’un cercle de Richard Long.
Une photographie éphémère, performative, ludique comme ces architectures rêvées: un hommage virtuel à nos châteaux en Espagne.
Hervé Charles, Photographe et Professeur à la Cambre, Bruxelles
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